Suggestion of the day

Townes Van Zandt, est la figure culte. Le loser magnifique. Le clochard céleste. Sa gratte, sa bouteille et sa dope pour seules compagnes. Au travers de son humour, de sa carrière, de son destin, il maniait la noirceur comme personne. On parle d’un type dont la première
chanson s’appelle « Waiting Around To Die ». Qui aura toujours préféré balancer ses quatre vérités au public d’un bar miteux que dans une salle académique. Malgré un soutien d’estime de ses pairs (aujourd’hui
encore, ses ouailles sont nombreuses), le fossé lui sierra toujours un peu plus que le promontoire.

On pourrait tous les citer mais ce troisième est mon préféré. La pochette, pour commencer, est emblématique. Il y réinterprète entre autres,
quatre titres des débuts, qu’il estime enfin à leur juste valeur. Les
rengaines sont brumeuses, le ton désabusé, les textes élégiaques, le chant si mesuré. Tout y est résolument beau à se damner. Peut-être aussi celui sur lequel son talent est le mieux mis en boîte. Il y a même de la batterie sur « Fare Thee Well, Miss Caroussel », c’est dire. Et « Lungs » est sans l’ombre d’un doute, l’une de mes chansons préférées (et son cinglant épilogue « we’ll tell the world that we tried »).

Il y a dans cette musique quelque chose d’unique, presque rien de ce
que j’ai vanté dans toutes les autres tribunes. Pas d’innovations, de
psychédélisme haut en couleurs, de groove mortel, de poignantes
revendications, de brassage des genres ou de pop déviante. Juste une
ode au sort que réserve le quotidien dans ce qu’il a de plus brut, de plus tangible et de plus sincère.

Je ne pourrai être assez élogieux à l’encontre de Townes Van Zandt.
Je pense sincèrement et je ne suis pas le seul, que personne d’autre ne serait parvenu à écrire de telles chansons. J’ai d’emblée entrevu l’envie, au moment d’entamer cette série de suggestions, de faire de ce disque la conclusion cohérente d’une telle aventure.

See you on the other side, guys…

M.

« Townes Van ZANDT »
« s/t »



Suggestion of the day

Dan Treacy est un sacré coco. Un sérieux penchant pour la gaudriole, poivrot, camé, taulard à l’occasion mais surtout un putain de
songwriter. Du genre à plier 15 tubes sur 14 chansons. Sans effort.
Après une palanquée de singles dans le plus pur esprit do-it-yourself,
les Television Personalities trouvent refuge chez Rough Trade,
magasin et label autodidacte aussi minuscule que passionné.

L’égérie Twiggy et John Steed (le chapeau melon sans ses bottes de cuir) ornent la pochette de « … And Don’t The Kids Just Love It »,
premier album de la bringuebalante discographie de nos Londoniens neo-psych. Bouleversé par le punk, Pistols et Modern Lovers en tête, mais loin d’être dupe, comme en atteste le single révélateur « Part Time Punks », Treacy refusera obstinément tant les étiquettes que le succès.

Ce disque a pourtant tout du classique instantané. Des petites
vignettes chancelantes propres à faire chavirer de bonheur les
amateurs d’une pop lo-fi aussi goguenarde que jouissive. Et une
façon d’encrasser le son, certes tout autant la marque d’une
approximation néophyte que d’un postulat aquoiboniste. Pragmatique ou génialement modeste, leur troisième lp ne s’appelait
pas « They Could Have Been Bigger Than The Beatles » pour rien.

L’introductif « This Angry Silence », les implacables « This Glittering Prize », « Silly Girl », ou « La Grande Illusion » (ce cri du cœur « I Just Don’t Know What To Do… ») et les exquis « Diary Of A Young Man » et « I Know Where Syd Barret Lives » et son hilarant coup de gueule sur les oiseaux qui ne cessent de gazouiller. C’est cinglant, immédiat, dansant (sur un pied), avaient-ils leur égal pour trousser pareils manifestes ?

M.

TELEVISION PERSONALITIES
« … And Don’t The Kids Just Love It »



Suggestion of the day

Chanteuse, poétesse, activiste, Camille Yarbrough est un peu tout cela à la fois. Peut-être est-elle citée quelque part dans les livres d’histoire? Reste-t-il quelques miettes de cet héritage? Un seul album au
compteur, pas évident de se forger une réputation. Mais quel disque ! Une perfection de justesse, une gronde profonde, une détresse hurlée
et un discernement sans barricade.

Cette façon qu’elle a de vous coller au mur confine au prodige. Une voix donc, un timbre qui vous percute. Une harangue qui vous
bouleverse. Et une acuité qui semble-t-il, demeure toujours aussi
pertinente. On parle d’un détonnant spoken word, qui exhorte tout autant qu’il dégage une prestance charnelle indéniable.

La mise en musique de ces brûlots est minimaliste, parfaitement
campée au croisement du blues (la plainte), du jazz (la liberté) et de la soul (l’affect). Et si on ajoute un penchant funky (la fièvre) à la recette, on obtient là l’un des enregistrement les plus accomplis jamais couché sur bandes.

ps: ce n’est pas Fatboy Slim qui viendra nous contredire. Il vous suffit de jeter une oreille à « Take Yo’ Praise » pour comprendre où je veux en venir.

M.

Camille YARBROUGH
« The Iron Pot Cooker »