Voilà ce que l’on appelle un disque culte. Une plaque qui n’était même pas vouée à exister. Pour rappel, les Moderns Lovers première mouture n’ont jamais sorti le moindre album officiel. Tout au plus de solides
démos. Des sessions avortées. Des bricoles à peine abouties.
La perfection totale, en somme.
Le groupe se forme au début des années septante et, autour de Jonathan Richman, se fige le noyau dur de la période mythique. Jerry Harrison, qui enchaînera avec les Talking Heads, David Robinson, qui s’accointera avec Ric Ocasek pour former les Cars et Ernie Brooks, futur associé de Arthur Russell au sein des éphémères et brillants Necessaries.
Voilà pour le CV.
Une session trop vite pliée en 72, pilotée par le frappadingue notoire
Kim Fowley (écoutez son « I’m Bad » sorti la même année) émousse le groupe et quand en 73, tout ce beau monde se pointe en studio, Richman en a déjà plein le dos. Trop de galères, des morceaux dont il a fait le tour, un son qui ne lui colle plus à la peau. Sans parler des embrouilles de
studio avec John Cale, aux manettes, et avec… un peu tout le monde.
Les portes claquent. Pour de bon.
Il faudra patienter jusqu’à 76 pour que Richman déterre les bandes
et ne publie enfin ce qui reste l’un des albums les plus précurseurs
d’une époque qui n’en manque pourtant pas. Une posture revêche,
un orgue aigrelet, une rythmique convulsive et une guitare aussi
inflexible que la prose. A n’en point douter, son caractère désinvolte, abrupt, caustique et percutant fait un peu de ce disque, l’équivalent
du Velvet Underground pour les années punk. Le mythe, le fantasme,
la pureté. La modernité éternelle.
M.
The MODERN LOVERS
« s/t »