C’est presque un accident. Une erreur de casting. Johnny Harris n’économise pourtant pas ses efforts. Producteur, compositeur,
parolier et chef d’orchestre, le mec turbine comme un damné.
L’écossais met sa patte d’arrangeur au service de Petula Clark,
Tom Jones, Roy Budd, Shirley Bassey et un paquet d’autres. Il se met
à composer des bandes originales dès qu’il a un peu de temps libre
et puis, pourquoi pas enregistrer un ou deux petits albums sous
son nom tiens, tant qu’on y est.
Et accompagné d’un orchestre surchauffé, sort donc « Movements », comme une parenthèse enchantée. En première face, ses propres morceaux, composés pour le film « Fragments of Fear », une longue
suite qui démarre en mode flemmard avant qu’une guitare
éperdument stone pourfende le tempo qui, catapulté dans une
autre dimension, crapahute sur un lit de percussions frénétiques.
On redescend calmement pour atterrir sur le « Something » de Harrison, dans une version gospel chargée aux acides. La chute sera douce…
La deuxième face s’amorce par une intro si vrombissante qu’il faut bien se tenir quand on capte enfin qu’on a affaire au « Give Peace A Chance » de Lennon qui tourne à la soul space-age avant que « Light My Fire », « Paint It Black » ou « Wichita Lineman » subissent les mêmes assauts
cosmiques. Ça passe ou ça casse. On navigue toujours entre cocktail kitsh et envolées sidérantes. Et si la frontière est mince, l’ivresse n’en est que décuplée, portée par les remous d’une basse colossale et groovy chère aux productions léchées de David Axelrod.
Après ça, il poursuivra son chemin aux States, enverra chier Elvis qui voulait se payer ses services et continuera de bosser. Figurez-vous que j’ignorais complètement, au moment de commencer à coucher ces quelques lignes, que Johnny Harris nous avait quittés le mois passé, à l’âge de 87 ans. Ces louanges endossent donc la forme d’un révérencieux hommage. Allez, on se repasse « Footprints On the Moon », frissons
garantis…
M.
Johnny HARRIS
« Movements »