Suggestion of the day

Quand on parle de funk débridé, explicitement sexuel et pourtant
ouvertement féministe, le premier nom évoqué sera certainement
Betty Davis. L’indomptable tigresse qui aura mis Miles à (ses) genoux,
pourtant pas réputé pour être le plus facile à apprivoiser des
gaillards du quartier. On aurait tort de se priver de la discographie
de la souveraine Nasty Gal.

Mais nous discuterons plutôt du cas Yvonne Fair. Aperçue au sein des Chantels, modeste formation doo-wop, la demoiselle sera débauchée
par la James Brown Revue et plus intimement par son ogre de leader.
Sa carrière aurait pu tourner court si une signature chez Motown
bien des années plus tard ne la remette brièvement sur les rails. Mais
le voyage ne fut pas vain…

Cette pochette déjà… Bon ok, qui a bien pu cautionner ce cadre orné
de bonbons, de pilules et de ce qui ressemble assez vaguement à un
rouleau de pq ? Mais ce regard qui en dit long… Clairement, le fouet n’est pas pour elle : « Et ouais, ce disque va te museler mon petit gars ».
Et dès l’intro, cette petite guitare aguicheuse se fait mater par la dame qui déboule, intraitable… Pressez play, vous comprendrez sur-le-champ
où je veux en venir. Son phénoménal « Funky Music Sho Nuff Turns Me On », joue jeu égal avec la version d’Edwin Starr, c’est dire.

Il faut entendre cette façon de régler son compte au malheureux qui a osé la contrarier à l’entame de « Walk Out The Door If You Wanna » avant de littéralement envoyer le morceau dans la stratosphère. C’est un peu ça ce disque, cette capacité qu’elle a de traverser les morceaux et de les exploser au passage. Un solide classique funky. Restera son épitaphe, cette singulière interprétation caressante de « It Should Have Been Me », son seul hit, au titre tristement prophétique.

M.

Yvonne FAIR
« The Bitch Is Black »


Suggestion of the day

Voilà quelqu’un qui est bien moins célébré que les albums auxquels il
a participé et dont la carrière solo n’est toujours pas particulièrement
acclamée. Cet « Heritage » par exemple, sorti sur Blue Note (pas la
moins crédible maison qui soit), n’a pas laissé de trace indélébile. Définitivement, Eddie Henderson n’a pas la réputation qu’il mérite.

Le trompettiste a pourtant, de 1970 à 1973, participé à l’élévation
spirituelle du groupe de Herbie Hancock, soit l’enchainement « Mwandishi », « Crossing » et « Sextant », excusez du peu… Comme tous
les autres musiciens de ces extraordinaires sessions, il adoptera un
nom swahili. Eddie deviendra Nganga, ce qui pourrait revêtir la notion de sorcier. Choix judicieux lorsque l’on apprend que le monsieur est
un médecin diplômé.

Eddie Henderson, ici très clairement inspiré par le Miles Davis des
années fusion, s’est entouré de Julian Priester (écoutez le formidable
« Love, Love » sur ECM), Mtume, Patrice Rushen et de l’omniprésence funky de Paul Jackson, bassiste des Headhunters de Herbie.
Rigoureux, remuant et pourtant si aérien, « Heritage » est un disque
admirable qui devrait mieux porter son nom…

M.

Eddie HENDERSON
« Heritage »


Je vous dirais…

Je vous dirai ces mots…
D’ordinaire, je vous l’avoue, l’exercice n’a rien de douloureux.
Nous aimons vous ouvrir notre « boîte à madeleine » avec l’indicible espoir que vous puissiez y rencontrer une saveur, un parfum voire
une légère amorce d’un hypothétique plaisir à venir.

Mais ce soir, c’est particulier. 

Point d’album à l’honneur aujourd’hui vous l’aurez compris mais une carrière, celle de l’artiste qui vient de nous quitter.

Christophe, le beau bizarre de la chanson française a finalement rejoint son paradis.
Chanteur de charme, infatigable autodidacte, collectionneur-rassembleur, le plus « moderne » des « anciens » qui vivait à l’heure du sommeil est sorti de sa nuit.

Et le réveil à un drôle de goût.

Y.

Daniel « Christophe » BEVILACQUA


Suggestion of the day

Dans la série ‘un petit album et puis s’en va’, celui-ci est loin d’être
le plus ronflant. C’est bien simple, tout le monde s’en cogne. Elmer Gantry’s Velvet Opera, le disque, est pourtant un pur instantané de bonheur typiquement sixties.

Après un sec déferlement de percussions, quelques cris exacerbés
de pseudo groupies et une farouche présentation des musiciens,
surgit « Mother Writes » et tout est déjà dit dans cette miniature de
deux minutes à peine. La guitare a bien du mal à rivaliser avec la basse, la batterie claque à mort et les effets sonores sont bien louches. Juste derrière, »Mary Jane » (tu m’étonnes) sautille enivrée avant de se faire valdinguer par la basse énorme de « Walter Sly Meets Bill Bailey », insaisissable morceau de bravoure qui arrache tout sur
son passage et…

…et vous l’aurez compris, les mecs ne vont pas s’arrêter là, ça
se trémousse, ça titube, ça voltige et ça tabasse. Au final, on reste
ébahit par ce mélange de classe insolente et d’assurance de truand
d’un groupe qui conjugue comme très peu d’autres, psychédélisme à l’anglaise et garage U.S. le plus débridé. C’est bien simple, on jurerait
le rejeton illégitime des Small Faces et des Monks. Et rien que pour ça, merci d’être passés.

M.

ELMER GANTRY’S VELVET OPERA
« s/t »