Suggestion of the day

Voilà quelqu’un qui est bien moins célébré que les albums auxquels il
a participé et dont la carrière solo n’est toujours pas particulièrement
acclamée. Cet « Heritage » par exemple, sorti sur Blue Note (pas la
moins crédible maison qui soit), n’a pas laissé de trace indélébile. Définitivement, Eddie Henderson n’a pas la réputation qu’il mérite.

Le trompettiste a pourtant, de 1970 à 1973, participé à l’élévation
spirituelle du groupe de Herbie Hancock, soit l’enchainement « Mwandishi », « Crossing » et « Sextant », excusez du peu… Comme tous
les autres musiciens de ces extraordinaires sessions, il adoptera un
nom swahili. Eddie deviendra Nganga, ce qui pourrait revêtir la notion de sorcier. Choix judicieux lorsque l’on apprend que le monsieur est
un médecin diplômé.

Eddie Henderson, ici très clairement inspiré par le Miles Davis des
années fusion, s’est entouré de Julian Priester (écoutez le formidable
« Love, Love » sur ECM), Mtume, Patrice Rushen et de l’omniprésence funky de Paul Jackson, bassiste des Headhunters de Herbie.
Rigoureux, remuant et pourtant si aérien, « Heritage » est un disque
admirable qui devrait mieux porter son nom…

M.

Eddie HENDERSON
« Heritage »


Je vous dirais…

Je vous dirai ces mots…
D’ordinaire, je vous l’avoue, l’exercice n’a rien de douloureux.
Nous aimons vous ouvrir notre « boîte à madeleine » avec l’indicible espoir que vous puissiez y rencontrer une saveur, un parfum voire
une légère amorce d’un hypothétique plaisir à venir.

Mais ce soir, c’est particulier. 

Point d’album à l’honneur aujourd’hui vous l’aurez compris mais une carrière, celle de l’artiste qui vient de nous quitter.

Christophe, le beau bizarre de la chanson française a finalement rejoint son paradis.
Chanteur de charme, infatigable autodidacte, collectionneur-rassembleur, le plus « moderne » des « anciens » qui vivait à l’heure du sommeil est sorti de sa nuit.

Et le réveil à un drôle de goût.

Y.

Daniel « Christophe » BEVILACQUA


Suggestion of the day

Dans la série ‘un petit album et puis s’en va’, celui-ci est loin d’être
le plus ronflant. C’est bien simple, tout le monde s’en cogne. Elmer Gantry’s Velvet Opera, le disque, est pourtant un pur instantané de bonheur typiquement sixties.

Après un sec déferlement de percussions, quelques cris exacerbés
de pseudo groupies et une farouche présentation des musiciens,
surgit « Mother Writes » et tout est déjà dit dans cette miniature de
deux minutes à peine. La guitare a bien du mal à rivaliser avec la basse, la batterie claque à mort et les effets sonores sont bien louches. Juste derrière, »Mary Jane » (tu m’étonnes) sautille enivrée avant de se faire valdinguer par la basse énorme de « Walter Sly Meets Bill Bailey », insaisissable morceau de bravoure qui arrache tout sur
son passage et…

…et vous l’aurez compris, les mecs ne vont pas s’arrêter là, ça
se trémousse, ça titube, ça voltige et ça tabasse. Au final, on reste
ébahit par ce mélange de classe insolente et d’assurance de truand
d’un groupe qui conjugue comme très peu d’autres, psychédélisme à l’anglaise et garage U.S. le plus débridé. C’est bien simple, on jurerait
le rejeton illégitime des Small Faces et des Monks. Et rien que pour ça, merci d’être passés.

M.

ELMER GANTRY’S VELVET OPERA
« s/t »


Suggestion of the day

Qu’est ce qui fait qu’un album, au moment de sa sortie, bénéficie
des faveurs de la presse critique et, mieux encore parvient à
rencontrer un large public ? La qualité de l’ouvrage n’est pas
systématiquement synonyme de succès immédiat et inversement.

L’histoire bien connue du premier album du Velvet Underground
(banana album, of course !) est là pour nous le rappeler. Confer cette
désormais légendaire citation de Brian Eno à Lou Reed en réponse au piètre score de vente obtenu à l’issue des cinq premières années de sa sortie : « Oui, mais je pense que chacun de ceux qui ont acheté une
de ces 30 000 copies a fondé un groupe ! »

Nous sommes tous à nos heures du jour et de la nuit, les orpailleurs
en recherche de ces fameuses « pépites musicales » qui pour des raisons, pas toujours évidentes, sont quelques fois restées trop longtemps enfouies et ce n’est pas Monsieur S. Rodriguez qui me
contredira.

Mais remontons à la surface et partons pour l’Angleterre, en 1970.
Là où DEMON FUZZ, littéralement traduit « les enfants du diable »
(c’est dire si il ne l’ont pas un peu provoqué ?), décide de sortir
l’album « Afreaka ». Rien que cette incroyable pochette aurait dû
les rendre célèbres.

Composé de 5 plages oscillant entre 5 et 10 minutes sous sa forme
vinyle (8 pour le CD), ce septet black anglais accouche d’un condensé parfait de la musique afro du début des seventies. Véritable cri
multiculturel, il combine avec une richesse insolente, quantité
d’influences allant du funk au jazz, de la soul au blues, des rythmes
tribaux au rock psychédélique, le tout bien souvent au sein d’un
même morceau.

Sur papier d’apparence indigeste, l’écoute glisse pourtant
imparablement entre nos oreilles avec une immédiateté et une
facilité déconcertante. On y croise ainsi les Funkadelic,
Sly & the Family Stone, Cymande, Mandrill, Frank Zappa
ou… Jimi Hendrix, c’est dire.

Malgré tout l’impensable se produira. Une tournée de 18 mois à
écumer les clubs undergrounds du pays sans rencontre d’un
véritable public aura finalement raison de cet album mort-né
avec au final le démantèlement du groupe en 1972.

Une pépite, on vous dit !
Vous voilà bel et bien prévenus…

Y.

DEMON FUZZ
« Afreaka »