Suggestion of the day

Dan Treacy est un sacré coco. Un sérieux penchant pour la gaudriole, poivrot, camé, taulard à l’occasion mais surtout un putain de
songwriter. Du genre à plier 15 tubes sur 14 chansons. Sans effort.
Après une palanquée de singles dans le plus pur esprit do-it-yourself,
les Television Personalities trouvent refuge chez Rough Trade,
magasin et label autodidacte aussi minuscule que passionné.

L’égérie Twiggy et John Steed (le chapeau melon sans ses bottes de cuir) ornent la pochette de « … And Don’t The Kids Just Love It »,
premier album de la bringuebalante discographie de nos Londoniens neo-psych. Bouleversé par le punk, Pistols et Modern Lovers en tête, mais loin d’être dupe, comme en atteste le single révélateur « Part Time Punks », Treacy refusera obstinément tant les étiquettes que le succès.

Ce disque a pourtant tout du classique instantané. Des petites
vignettes chancelantes propres à faire chavirer de bonheur les
amateurs d’une pop lo-fi aussi goguenarde que jouissive. Et une
façon d’encrasser le son, certes tout autant la marque d’une
approximation néophyte que d’un postulat aquoiboniste. Pragmatique ou génialement modeste, leur troisième lp ne s’appelait
pas « They Could Have Been Bigger Than The Beatles » pour rien.

L’introductif « This Angry Silence », les implacables « This Glittering Prize », « Silly Girl », ou « La Grande Illusion » (ce cri du cœur « I Just Don’t Know What To Do… ») et les exquis « Diary Of A Young Man » et « I Know Where Syd Barret Lives » et son hilarant coup de gueule sur les oiseaux qui ne cessent de gazouiller. C’est cinglant, immédiat, dansant (sur un pied), avaient-ils leur égal pour trousser pareils manifestes ?

M.

TELEVISION PERSONALITIES
« … And Don’t The Kids Just Love It »



Suggestion of the day

Chanteuse, poétesse, activiste, Camille Yarbrough est un peu tout cela à la fois. Peut-être est-elle citée quelque part dans les livres d’histoire? Reste-t-il quelques miettes de cet héritage? Un seul album au
compteur, pas évident de se forger une réputation. Mais quel disque ! Une perfection de justesse, une gronde profonde, une détresse hurlée
et un discernement sans barricade.

Cette façon qu’elle a de vous coller au mur confine au prodige. Une voix donc, un timbre qui vous percute. Une harangue qui vous
bouleverse. Et une acuité qui semble-t-il, demeure toujours aussi
pertinente. On parle d’un détonnant spoken word, qui exhorte tout autant qu’il dégage une prestance charnelle indéniable.

La mise en musique de ces brûlots est minimaliste, parfaitement
campée au croisement du blues (la plainte), du jazz (la liberté) et de la soul (l’affect). Et si on ajoute un penchant funky (la fièvre) à la recette, on obtient là l’un des enregistrement les plus accomplis jamais couché sur bandes.

ps: ce n’est pas Fatboy Slim qui viendra nous contredire. Il vous suffit de jeter une oreille à « Take Yo’ Praise » pour comprendre où je veux en venir.

M.

Camille YARBROUGH
« The Iron Pot Cooker »



Suggestion of the day

Il n’y a pas grand chose à ajouter, parfois. La pochette aguiche juste comme il faut. La plaque débarque sur Blue Note et il y a funk dans
l’intitulé. Le titre lève-t-il déjà le voile sur une bonne partie des
ficelles? Bon sang, il faut vraiment se retenir pour ne pas aller voir ce qu’il se cache derrière. Point de déception au bout du suspense.
L’organiste Jimmy McGriff et ses sbires lâchent les chiens comme
jamais. Faut dire que ça joue sérieusement.

Mais tempérons quelque peu. Le groupe est tout sauf démonstratif. Électrique, oui mais plus par l’intensité que pour l’énergie. Funk,
certainement mais dans le plus pur esprit soul. C’est relax, ça coule de source. Et pourtant, ça secoue sévèrement. Et c’est là, toute la magie de ce disque. Comment résister aux assauts veloutés de « Back On The Tracks », « Chris Cross » ou de « The Bird Wave »? Vous me le direz, je n’y suis jamais parvenu…

M.

Jimmy McGRIFF
« Electric Funk »



Suggestion of the day

Il ne faut pas se voiler la face. Tout du long, les Electric Prunes ont moins été un groupe qu’un concept. Le joujou de leur producteur Dave Hassinger à vrai dire. Et le gars fourmille d’idées. En plein boom garage, il engage deux songwriters, Annette Tucker et Nancie Mantz, qui fourniront presque à elles seules, deux albums entiers de primitives
rengaines dont le hit « I Had Too Much To Dream Last Night » qui assoira une certaine notoriété.

Il faut changer de cap? Soit, on fait appel à David Axelrod et Hassinger embraye sur une messe grégorienne grandiloquente sans queue ni tête mais parvient néanmoins à placer un titre dans le cultissime « Easy Rider ». Reste que le disque comprenait encore une poignée de musiciens du groupe originel. Car le collectif à géométrie variable, dont les parties importent moins que le tout, change perpétuellement et lorsque « Release Of An Oath » est publié, pas un seul membre ne passe la porte du studio.

Sous-titré « The Kôl Nidre », expression de la culture juive, le quatrième album est un miracle. Axelrod s’est entouré d’immenses musiciens de session ( vous pourriez passer votre journée à éplucher le cv de Carol Kaye ou Earl Palmer) pour assurer les partitions de ce monumental popéra baroque. Tandis que les cordes et les bois virevoltent, une
orchestration typiquement rock balaie tout sur son passage.

Une fois de plus la batterie foudroie : « Kôl Nidre », l’instrumental « General Confessional » ou « Holy Are You » (et sa phénoménale partie de guitare) se sont révélés être un paradis pour les beatmakers. La basse est énorme et la prise de son dantesque. David Axelrod aiguise ici son talent d’arrangeur et de recruteur (ses propres diamants, « Song Of Innocence » et « Songs of Experience », sur le point de voir le jour, seront mis en boîte par la même équipe). Cette fois, la messe est vraiment dite et cela, en 24 petites minutes à peine…

M.

The ELECTRIC PRUNES
« Release Of An Oath »